Identités, sociétés et migrations semblent, de prime abord, foncièrement distinctes les unes des autres. Mais un regard plus approfondi porte à croire que les deux derniers concepts ont comme dénominateur commun l’identité. Que l’on soit dans une situation sociale précise ou de migration, la question de l’identité devient cruciale. Au cours de leur évolution, les individus et les sociétés s’identifient à des valeurs, modèles sociaux qui ne sont pas figés. Mais il convient de souligner que l’individu, même s’il est unique de par sa personnalité ; il est aussi pluriel. C’est donc cette complexité plurielle de l’homme (Bernard Lahire, 2011) qu’il convient de saisir dans cet axe de recherche. L’homme se construit ainsi une identité familiale, une identité professionnelle, une identité religieuse… L’identité se modifie tout au long de l’existence. Cette identité résulte moins d’une addition successive que de remaniements et de tentatives d’intégration (Edmond Marc, 2004). Dynamique, elle se construit, se reconstruit et se déconstruit. En effet, l’identité se négocie à tout instant, dès lors qu’un groupe de personnes d’origines diverses, de professions distinctes, d’appartenances multiples interagissent. Et c’est là où se trouve la difficulté quant à son rapport avec la société au sens large, dans laquelle on ne peut éluder la question identitaire.

L’identité peut se décliner en multiples composantes : identité pour soi et identité pour autrui. Phénomène complexe, l’identité désigne ce qui est unique ; le fait de différencier irréductiblement des autres. Toutefois, elle qualifie aussi ce qui est identique tout en restant distinct. Cette ambiguïté sémantique suggère que l’identité oscille entre la similitude et la différence. Cette dernière, au lieu d’être considérée comme une richesse, est aujourd’hui source de multiples tensions et conflits qui portent souvent le nom de « conflit identitaire ». Mais comment les sociétés, dans un contexte de migration et de mobilité, négocient-elles avec les identités groupales dont elles sont les réceptacles pour assurer leur harmonie ?

La migration met généralement les individus et communautés en contact dans une situation d’opposition entre « nous » et « eux ». A bien des égards, les pratiques culturelles et cultuelles des migrants sont parfois qualifiées de « sous cultures » qui menacent les traditions locales. C’est ainsi que la migration est parfois considérée comme un phénomène démographique « perturbateur » qui bouleverse des « identités nationales ». En Europe, par exemple, l’arrivée de migrants provenant d’Afrique, du Moyen Orient et d’Asie a accentué dans certains pays de l’UE le repli identitaire.

La figure du migrant (immigrant) se trouve ainsi galvaudée et truquée. Ce sont donc ces considérations communautaristes qui conduisent souvent à ce qu’Amin Maalouf (1998) nomme les « identités meurtrières ». En définitive, l’objet des sciences humaines (l’homme, la société) vit successivement des expériences sociales (socialisation, migrations) complexes et parfois contradictoires. Avec les migrations, s’effondrent les entités considérées comme essentielles, voire essentialisées qui apparaissent généralement sous le vocable de culture. Sous ce rapport, les sociétés sont devenues des espaces multiculturels de rencontres et de brassages dans lesquels se multiplient et démultiplient les expériences humaines.

Dans un contexte de mondialisation, marqué par la circulation des acteurs et l’évolution des pratiques et « les dynamiques du dehors et du dedans » (Georges Balandier, 2004), les chercheurs en sciences humaines doivent impérativement croiser leur regard pour davantage saisir les phénomènes émergents induits par les migrations et ou attitudes identitaires.